La France qui dit non au oui

Dimanche 13 janvier 2013. Une France manifeste contre le mariage pour tous.

« J’aimerais pouvoir dire fièrement que je suis catholique »

Comment concilier foi et homosexualité malgré la position de l'Eglise catholique?CC/Flickr/Medelie Vendetta

Comment concilier foi et homosexualité malgré la position de l’Eglise catholique?
CC/Flickr/Medelie Vendetta

PORTRAIT – Entre sa foi et son homosexualité, Rémi ne choisit pas. Le jeune chrétien raconte comment il tente de faire “coexister ces deux parts” de lui-même.

Baptême, communion, confirmation, Rémi a tout fait. Depuis son enfance, il se rend à la messe tous les dimanches, en famille. Son coming out auprès de ses parents, il y a 4 mois, n’a rien changé à la tradition : “Ils n’ont pas du tout eu de préjugés sur la question” raconte le jeune étudiant de 19 ans avec des yeux rieurs.

Mais l’ouverture d’esprit des parents de Rémi n’est pas à l’image de la position de l’Eglise catholique. Et cela le dérange profondément : “J’ai été élevé là dedans, j’aimerais pouvoir dire fièrement que je suis catholique”. Mais à force de se sentir rejeté, il entre en rébellion : “J’ai moins tendance à m’associer à l’Eglise catholique, je me présente comme chrétien”. Il reste croyant mais regrette les rigidités de l’institution : “Je voudrais que la position de l’Eglise puisse évoluer”.

Depuis qu’il étudie l’arabe à l’université de Leeds en Angleterre, Rémi a pris de la distance avec les dogmes “rajoutés avec le temps et qui n’ont rien à voir avec le message principal de Jésus”.

Rémi a grandi avec ses parents et sa soeur dans un petit village de Loire-Atlantique, raconte-t-il emmitouflé dans son sweat-shirt gris. A 10 ans, il réalise qu’il est attiré par d’autres garçons mais pense que c’est un pêché. Le garçon se sent isolé “je n’avais personne autour de moi pour me dire que ça n’était pas quelque chose de mal”. Dans le collège catholique qu’il fréquente, le sujet est tabou : “Il y avait une absence totale de l’homosexualité. Aucun prof ne disait que c’était mal mais il n’y avait aucune présence”.

A cette époque, Rémi ne se voit pas avoir une “vie normale” à l’image des adultes qu’il côtoie. Il s’imagine prêtre “Pour moi, c’était la seule chose à faire”. Pendant ses 4 ans de collège, la différence qu’il ressent le ronge, mais il n’y qu’une envie, ardente : “être normal”.

Quand il quitte son petit village pour entrer au lycée à Nantes, Rémi comprend qu’il n’est pas seul. L’arrivée en ville le confronte à la diversité “A Nantes, il y avait plus de présence homosexuelle”. Le jeune homme au visage poupin et à la barbe hirsute commence à s’accepter : “Dieu ne nous aurait pas créés avec des désirs comme ça si on ne pouvait rien en faire”.

Surtout, l’interprétation de la Bible d’un étudiant américain inconnu du grand public, Matthew Vines, change sa perception. Un discours entendu sur Internet et c’est la révélation : Rémi accepte qu’il peut être homosexuel et garder sa foi : “C’est une interprétation moins violente sur la question que ce qu’on entend tout le temps”. Mais il reste pessimiste sur l’avenir de l’Eglise : “Je ne pense pas que ça va changer”.

Aujourd’hui, Rémi est un séduisant jeune homme. Il passe une année d’étude à l’université d’Alexandrie en Egypte et suit le débat sur le mariage pour tous de loin, en étant résolument pour. L’intolérance dont font preuve les religions dans le débat l’agace “La voix des catholiques qui est retransmise n’est pas majoritaire”. L’étudiant aimerait d’ailleurs se marier un jour et avoir des enfants. Mais son véritable rêve serait de compléter les sacrements catholiques : “Me marier devant Dieu, c’est quelque chose dont j’aurais envie. Que ça ait du sens.

Sarah Haderbache

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Cette entrée a été publiée le janvier 11, 2013 par dans Homosexualité et religion.

A propos

Le projet de loi sur le mariage homosexuel divise les Français depuis plusieurs mois. Gays et lesbiennes rejetés. Conservateurs et religieux révoltés. Dimanche 13 janvier, la France du Non battra de nouveau le pavé. Une manifestation révélatrice de fractions internes aux deux camps.

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Dans le cadre d’une semaine intensive de presse écrite, vingt étudiants de l’école de journalisme de Science Po se sont penchés sur les antécédents de la "Manif pour Tous". Supervisés par Grégoire Biseau, journaliste politique à Libération, ils ont produit enquêtes, décryptages, analyses et portraits à travers deux grands thèmes : la recrudescence de l’homophobie et la France du non.